Prosper Wanner : La Commission Patrimoine 15/16, espace de démocratie participative.

Hôtel du Nord initie la mise en ligne des textes des intervenants à la rencontre du 2 mars 2013 à Venise. 

Voici le texte de l’intervention de Prosper Wanner, gérant de la coopérative d’habitants Hôtel du Nord et co fondateur de l’association Faro Venezia.

Le processus coopératif Hôtel du Nord a été voulu et lancé en 2009 à l’initiative de membres de la Commission Patrimoine 15/16 présidée par l’élue à la culture Pascale Reynier comme plateforme commune de valorisation économique des patrimoines.

Le 2 mars, les vénitiens créeront la Commission vénitienne des communautés patrimoniales. En 2010, c’était la mairie de secteur de Marseille 2/3 qui créait le collectif Patrimoine et création suivi en 2012 par la mairie du 13/14 et la mairie de Vitrolles qui a fondé l’Atelier de Faro.

Le 2 mars est l’occasion pour Hôtel du Nord de revenir à traversune série d’articles sur ces processus de démocratie participative et de gestion de la valeur conflictuelle du patrimoine, ou dit autrement sur ce qu’est une commission patrimoine.

Ces articles sont préparatoires à la Rencontre de Faro qui aura lieu en septembre 2013 à Marseille à l’initiative du Conseil de l’Europe et de l’Union Européenne.

Le premier article proposé a été écrit par Prosper Wanner, gérant d’Hôtel du Nord et membre de l’association Faro Venezia, pour expliquer « en pratique » ce qu’est la commission patrimoine 15/16 en vu de la création de la Commission vénitienne des communautés patrimoniales (voir la version italienne).

Ma che cosa é questa commissione patrimoniale?

La Convention de Faro pose la question du droit au patrimoine culturel. Quelle est la place des citoyens dans les choix patrimoniaux ? Elle reconnait à chaque personne, seule ou en commun, le droit de bénéficier du patrimoine culturel et de contribuer à son enrichissement[1].

C’est cette reconnaissance du droit au patrimoine qui motive l’engagement d’élus et de citoyens : reconnaître à chacun, dans le cadre de l’action publique, le droit de désigner de ce qui fait patrimoine pour soi, de contribuer à son interprétation, de prendre part aux choix de sa mise en valeur ou d’être associé à l’usage qui en est fait.

Les motifs de cette reconnaissance sont largement exprimés dans la Convention de Faro : prévention des conflits, dialogue interculturel, démocratie participative, développement soutenable, etc

La Convention de Faro est un cadre de référence qui permet une coopération entre les institutions publiques, les citoyens, les élus et le secteur privé[2].

A Marseille,  en 1995 a été lancé une mission expérimentale européenne de patrimoine intégré. Elle s’est traduite par la mise à disposition des habitants d’un poste de conservateur du patrimoine à plein temps. Ce conservateur a assumé durant 15 années une mission de service public auprès des habitants en mettant à disposition ses compétences de chercheur et de fonctionnaire.

L’exercice du droit au patrimoine, dans le cadre de l’action publique, c‘est à dire le droit individuellement ou en groupe devaloriser le patrimoine culturel à travers son identification, son étude, son interprétation, sa protection, sa conservation et sa présentation, nécessite des compétences scientifiques et une connaissance des procédures administratives que possède essentiellement l’institution publique : recherches et suivi scientifique en lien avec les professionnels du patrimoine ; coordination avec l’autorité scientifique ; accompagnement des procédures d’archivage, de classement et d’inscription, préparation d’expositions. Ces compétences sont celles des scientifiques, historiens, conservateurs, archéologues, géologues, etc.

Au terme de cette mission expérimentale s’est posée la question de la continuité de ce service public qui répondait alors à une demande croissante des habitants. Cette continuité s’est faite en trois parties : une continuité politique via l’adhésion du maire aux principes de la Convention de Faro, une continuité de service public via la création d’une commission patrimoine réunissant élus, institutions et habitants  et une continuité scientifique via l’engagement de chercheurs auprès des habitants.

Samia Ghali, sénatrice maire du 8me secteur de Marseille a signé symboliquement son « adhésion en aux principes énoncés par la Convention-cadre sur la valeur du patrimoine pour la société du Conseil de l’Europe » (Convention de Faro) en présence du Conseil de l’Europe, des représentants des collectivités locales et des habitants, associations et entreprises impliqués dans la mise en valeur des patrimoines.

Cette signature reste symbolique dans le cas d’un maire dans la mesure où seul l’Etat peut ratifier la Convention. Elle permet de qualifier et de légitimer une stratégie patrimoniale intégrée au niveau local et de prendre un cadre de référence commun.

A ce jour, 4 maires ont signés symboliquement la Convention de Faro. Comme premier acte, ils ont eux aussi mis en place un espace de démocratie participative comme Patrimoine et Création dans le 2me et 3me arrondissement de Marseille ou l’Atelier de Faro à Vitrolles.

La première commission patrimoine, créée en 2009 par Samia Ghali, est présidée par Pascale Reynier, élue à la culture. Elle mobilise un large partenariat de personnes impliquées sur la défense du cadre de vie : les communautés patrimoniales, les comités d’intérêts de quartiers et les acteurs culturels.

La composition de la commission patrimoine a été réalisée sur les bases suivantes : l’élue à la culture préside la commission patrimoniale et, forte de l’adhésion de la maire de secteur aux principes de la Convention de Faro, est garante du cadre politique de référence. Le service culture assure le secrétariat de la commission patrimoniale.

Les communautés patrimoniales au nombre de 8 ont chacune un relais au sein de la commission patrimoine. Au sens de la Convention de Faro, une communauté patrimoniale se compose de personnes qui attachent de la valeur à des aspects spécifiques du patrimoine culturel qu’elles souhaitent, dans le cadre de l’action publique, maintenir et transmettre aux générations futures[3].

Les communautés patrimoniales présentes à la commission patrimoine sont des collectifs qui rendent compte publiquement des recherches patrimoniales qu’elles mènent durant l’année à l’occasion des journées européennes du patrimoine.  Elles sont une douzaine représentées dans la commission patrimoine : associations de défense du cadre de vie, amicales de locataires, collectifs d’entreprises, associations de parents d’élèves, acteurs culturels.  Toute nouvelle communauté patrimoniale peut demander à être présente dans la commission. Les acteurs culturels (cinéma, théâtres, etc) impliqués dans des actions patrimoniales, réunis au sein d’un collectif « outils commun », ont un représentant à la commission patrimoine.

La coopérative Hôtel du Nord, créée à l’initiative de membres de la commission patrimoine comme plateforme commune de valorisation économique du patrimoine est représentée. La coopérative réunis une trentaine de sociétaires qui développent de l’économie via le patrimoine (chambres d’hôte, balades, publications) et mutualisent une marque, un site internet, une école des hôtes et la commercialisation.

Enfin, sont présents les représentants des deux collectifs de comités d’intérêts de quartier, instance para public de représentation des habitants auprès de la ville.

La commission patrimoine établit chaque année un planning précis sur l’année d’une demi douzaine de rencontres définis collectivement. En fonction des sujets abordés, sont invités les institutions compétentes.

En 2011, les sujets abordés ont été les suivants : une commission avec les services des Monuments historiques pour faire le point d’avancement des dossiers de demandes de classements ou labellisations, une commission sur journées européennes du patrimoine pour choisir le thème et construire le programme commun, une commission sur les dossiers cadre de vie en lien avec les institutions publiques concernées et une commission sur la valorisation économique du patrimoine avec la coopérative Hôtel du Nord.

Des commissions patrimoniales « réduites » sont programmées sur des sujets précis : une demande de classement, la construction d’un programme commun culturel, etc.

Chaque commission est co préparée par un membre de la commission et le service culture. L’ordre du jour est envoyé un mois avant pour leurs préparations en amont avec les habitants, le compte rendu ou relevé de décisions une semaine après.

La commission patrimoine est l’espace politique de concertation, de gestion des conflits, d’alerte, de proposition et d’échanges de savoirs entre les citoyens, leurs élus et les institutions sur l’application du droit au patrimoine culturel, c’est à dire l’application de la Convention de Faro.

Prosper Wanner, gérant d’Hôtel du Nord et membre de Faro Venezia.


[1] La Convention de Faro reconnait que toute personne a le droit, tout en respectant les droits et libertés d’autrui, de s’impliquer dans le patrimoine culturel de son choix comme un aspect du droit de prendre librement part à la vie culturelle consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies (1948) et garanti par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966).

[2] Elle encadre les limites dans lesquels peuvent s’expérimenter de nouvelles pratiques patrimoniales. Elle énonce les objectifs, définitions et principes partagés (Titre 1), elle expose les apports du patrimoine culturel à la société et au développement humain (Titre 2) et elle fixe les responsabilités partagées envers le patrimoine culturel et participation du public (Titre 3).

[3] Convention de Faro, article 2.

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